E. Bastien témoigne : un retour d’expérience riche en enseignements * !
Nous reprenons ici les points marquants du propos tenu par Edouard Bastien, président de l’ESJDB, le 18 septembre 2019, devant les participants de la promo Entrepreneur du Bâtiment de Normandie. Singulièrement instructif !
En vingt années de métier, Edouard Bastien a acquis une solide expérience sur ce sujet hautement sensible pour un dirigeant (ou futur dirigeant) du bâtiment : évaluation, reprise, rachat… du fonds de commerce ou de la société, et l’on verra que ce sont deux exercices différents !
Ancien élève de l’ESJDB avant d’en être le président, il va d’abord reprendre l’entreprise familiale, en 1997. Bastien est une entreprise de plomberie-couverture située à Paris, précise-t-il. Elle emploie une trentaine de personnes, existe depuis 1880. Elle est toujours restée familiale, et répond aux appels d’offres d’entretien et rénovation, pour tous types de clientèles privées.
Plus tard, il la renforcera par trois rachats successifs dans les mêmes corps de métier. Puis pour mieux répondre aux demandes des marchés, rachètera une entreprise de peinture et ravalement, également familiale, comptant une vingtaine de collaborateurs. On va le voir, c’est une pièce en 5 actes qui s’est écrite en un peu plus de vingt ans : chaque acte aura offert sa part d’obstacles ou rebondissements, et autant de leçons à retenir…
Acte I : Dépôt de bilan et reprise
” Quand je rejoins l’entreprise familiale en 1997, la crise de 93 a durement frappé tout notre secteur… Mon père appartenait à la génération des 30 Glorieuses, celle des marges à 20%, où l’on se souciait bien peu de comptabilité, trésorerie, plans de financements ! À l’issue d’un rachat qui était donc tombé au pire moment, « Bastien » se retrouve en dépôt de bilan. Les dettes cumulées équivalent à 50% du C.A., et les capitaux propres sont inférieurs au capital social de l’entreprise. J’arrive donc pour l’accompagner. Le Tribunal de Commerce nous évitera la liquidation pure et simple, on repart en redressement judiciaire, avec plan de continuation sur dix ans.
On a modernisé, équipé le bureau de fax, informatisé… Début du téléphone portable, puis d’internet. On a l’impression de parler du 19ème siècle, mais c’était il y a moins de 20 ans ! Nous avons remonté la pente, peu à peu. Dans le dispositif « RJ », il faut retenir trois principes. 1. Vous n’avez pas droit au découvert, donc impossible de jouer avec la trésorerie. 2. il y a un effet palier : chaque année on rembourse un peu plus, 6% la première année, mais on arrive à 13% vers la fin. Tant que vous y parvenez, vous continuez l’année suivante… Mais 3 : il y a un effet couperet, si en fin d’exercice vous n’avez pas remboursé le quota de dettes prévu… vous « quittez l’aventure », comme on dit à Koh-Lanta !
Garder en mémoire la statistique qui peut décourager : sur 1000 dépôts de bilan, 900 passent à la trappe (liquidation). 100 ont droit au redressement judiciaire, et seulement 2 parviendront sur la ligne d’arrivée.”
Bastien fils étant parvenu à remonter « Bastien La Société », Bastien père estimera que le fils a œuvré convenablement, et lui cèdera l’entreprise.
Fin de l’histoire ? Non !
Acte II : Croissance externe, et rachat d’une petite structure
Il pouvait s’arrêter là. Gérer « Bastien » en bon père de famille. Il décide de la développer par croissance externe : racheter le fonds de commerce d’une petite structure de cinq ou six personnes.
L’important est alors de faire savoir son intention, et d’activer tous ses réseaux. Mais le vendeur éventuel, lui, souhaite rarement que cela se sache, commente Édouard Bastien : fuite des salariés, méfiance des fournisseurs, désertion des clients : une entreprise à vendre perd vite de sa valeur.
Par chance, Bastien rencontre deux vendeurs éventuels. Deux frères.
Celui qui en a la gérance me dresse un tableau désastreux de la situation. Le frère, qui travaille dans un grand cabinet d’audit, l’écoute, abasourdi. Puis, tombe de sa chaise lorsqu’il entend l’autre dire que la valorisation de l’entreprise par l’expert -comptable lui semble surévaluée de 60% ! Finalement l’entreprise sera rachetée au quart de l’évaluation initiale. Première leçon ? Les valorisations de départ d’un expert-comptable ne doivent pas vous impressionner !
À suivre….
* Propos recueillis par par Hervé Resse